Discours prononcé par Dr J. Minani le 28 octobre 1993 et diffusé par radio Kigali.

(Le discours est recopié tel qu’il a été dit à la radio Kigali. Les fautes et hésitations qui sont dans le texte sont ainsi dans le discours de J. Minani.)

« Excelllence Monsieur le Président de la République du Rwanda ;

Excellence Madame le Premier Ministre du Gouvernement de la République du Rwanda ;

Excellence Monsieur le Premier Ministre et Vice-Président de la République Unie de la Tanzanie ;

Excellence Monsieur le Premier Ministre de la République du Zaïre ;

Excellence Monsieur le Secrétaire Général de l’OUA ;

Excellence Monsieur l’Envoyé Spécial de Son Excellence le Président de la République d’Egypte ;

Excellences Messieurs les Ministres, Honorables délégués, distingués invités ;

Permettez-moi au nom du gouvernement euh en exil du Burundi de remercier d’abord S.E. le Président de la République du Rwanda, pour d’abord avoir permis que cette auguste assemblée puisse être ici pour discuter du problème duuuu Burundi et deeee nous nous permettons de le remercier aussi pour les efforts qu’il ne cesse de faire pour que nous trouvons une solution à notre problème.

Nous remercions aussi Mme le Premier Ministre du gouvernement de la République du Rwanda et son gouvernement que c’est grâce aux plus hautes autorités de la République du Rwanda que le gouvernement actuellement en exil du Rwanda a pu survivre et être représenté parmi vous.

Nos vifs remerciements aussi vont aux plus hautes autorités de la République de la Tanzanie et du Zaïre, à leurs Excellences Messieurs les Présidents de ces deux pays frères, ainsi qu’à vous, Messieurs les Premiers Ministres pour les efforts que vous ne cessez de déployer pour une solution rapide au grand problème que connaît actuellement notre pays. Nous remercions particulièrement le Président de la République d’Egypte et Président en exercice de l’OUA pour la bienveillance de l’attention qu’il a voulu accorder à la situation brûlante euh et qui pour marquer cette attention vient de déléguer, d’envoyer son délégué spécial en la personne du Vice-Ministre des Affaires étrangères euh pour pouvoir étudier ensemble notre problème.

Nous ne pouvons terminer sans remercier vivement le Secrétaire Général de l’OUA S.E. Mohamed Salim Salim qui malgré ses… multiples occupations a voulu marquer sa solidarité avec le peuple Burundais en participant personnellement à ces assises en vue d’une solution rapide et ceci marque combien il attache l’importance pour montrer que ce problème est véritablement un problème de toute l’Afrique.

Nos sincères remerciements vont également à tous les pays amis, les organisations internationales et humanitaires qui défendent les droits de l’homme et la démocratie pour tout ce qu’ils ont déjà déployé comme effort pour rétablir les institutions mises en place démocratiquement et bafoués par l’armée mol’armée euh burundaise euh, à cette occasion aussi nous pensons à la mémoire de notre défunt Président qui a été assassiné par cette même armée.

Excellences, Monsieur le Président de la République du Rwanda, Mesdames et Messieurs, je ne pourrais résumer plus que l’a fait S.E. M. le Président de la République du Rwanda qui semble connaître profondément le problème qui se pose actuellement au Rwanda au Burundi depuis le début jusqu’à maintenant. Je ne ferai que rappeler les grands, les grands dates de cette histoire sombre qu’a connue le Burundi depuis les années 1961 jusqu’actuellement. Comme l’a résumé un diplomate des Nations-Unies… de l’histoire politique de notre pays depuis 1961, le sang n’a presque pas cessé de couler année par année. La cause de son sang qui coule toujours, nous avons toujours remarqué que l’armée était toujours la première impliquée. Nous ne parlons pas des années 61, 62, nous allons attirer votre attention sur les années 65 où le 1er Ministre NGENDANDUMWE fut assassiné par des extrémistes tutsi parce que tout simplement il a eu la chance d’être Premier Ministre en étant hutu. Non seulement l’armée ne se content… ne contenta pas de tuer ce 1er Ministre parce qu’il était hutu, il massacra tout l’élite hutu ainsi que tous les membres de l’armée qui étaient d’appartenance hutu. En 1969, sous le régime du Président Micombero ce massacre fut encore répété et ceci encore n’a visé que la même ethnie, l’ethnie hutu.

Nous avions que le sommet de ce massacre avait été atteint en 1972 lorsque plusieurs élites hutu par des milliers, par des centaines de milliers ont été massacrés ou lorsque des centaines de milliers de hutu toujours, ont été, ont été contraints à l’exil. Lorsque des centaines d’orphelins ont resté dans notre pays.

Mais hélas, nous avons remarqué que tous les régimes qui ont suivi n’ont pu rien changer. Tous avaient le même objectif. C’est ainsi, 1988 lorsque, lorsque des paysans se révoltant pour réclamer leur dû pour la vente de leur café, ils furent massacrés littéralement et ce massacre s’établit presque sur toute l’étendue de la République et plus particulièrement dans les provinces du nord. Le massacre continuant aussi en 1991.  Mais en 1993 lorsque des élections démocratiques fut enfin acceptées pour qu’ils puissent se dérouler, tout le monde avait poussé un ouf en se disant enfin la démocratie, enfin la justice, enfin la paix vient d’arriver. Ces élections portant à la magistrature suprême Son Excellence le Président Melchior Ndadaye ainsi que son parti. Quand il arriva au pouvoir celui-ci, celui-ci n’a rien ménagé pour que chacun, chacun puisse se sentir chez lui. Il déclara à tous que cette victoire n’était pas une victoire du parti, une victoire d’une ethnie, une victoire de chez d’aucune autre personne qui pourrait se distinguer ou se mettre dehors de cet ensemble démocratique mais que c’était une, une victoire de tout le monde et que tout le monde devait se sentir dedans.

Malgré la large majorité dont il disposait, il fit un gouvernement de large ouverture : un Premier Ministre tutsi et de l’Uprona, des ministres de tous les partis et de toutes les tendances. Nul ne fut, nul n’a été écarté de ce processus. Actuellement, actuellement son gouvernement commença à s’atteler, à réfléchir comment le Burundi qui a longtemps souffert pouvait pouvoir s’atteler au travail et se développer. Tous les burundais semblaient être contents, heureux, la communauté internationale, la communauté internationale satisfaite.

Tout le monde commença à prendre comme exemple le Burundi, mais hélas quel fut notre, notre, notre, quel fut notre, notre inquiétude, notre désespoir, notre surprise, quand nous avons appris que des militaires se sont révoltés, mutinés contre le chef qui avait été élu démocratiquement et admis par tous. L’armée ne se contenta pas d’exécuter le Président de la République, il exécuta aussi le Président de l’Assemblée nationale, son vice-Président, le Ministre de l’administration du territoire et du développement communal, l’administrateur général de la sûreté. Il exécuta aussi les gouverneurs au moins cinq gouverneurs, il exécuta aussi nombreux administrateurs et plusieurs autres personnalités, tous d’ethnie hutu ou alors quand ils étaient tutsi parce qu’ils appartenaient au Frodebu, parti Frodebu. Cette exécution s’étendra sur toute la population sur toute l’étendue de la République n’épargna aucune souche de la population pourvu que cette population soit d’ethnie hutu. Au fur et à mesure que les jours passent depuis le 21 octobre, des morts, le nombre des morts croît, le nombre des veuves et d’orphelins ainsi que d’exilés.

Par rapport à cette armée qui foule à ses pieds les principes élémentaires des droits de l’homme, on peut actuellement se demander évidemment s’il s’agit d’une véritable armée nationale s’il s’agit d’une armée qui défend son peuple, s’il s’agit d’une armée qui défend les institutions mises en place par le peuple lui-même. A l’heure où je parle, cette armée, malgré les déclarations appelant au calme des plus hautes autorités de la République, elle continue toujours à faire des morts… ».

C’est cela une partie du discours que J. Minani, ancien président de l’Assemblée nationale et du parti Frodebu a livré au mini-sommet de Kigali. On constate que les délégations présentes sont celles qui ont toujours soutenu les groupes terroristes-génocidaires qui se sont fixés l’objectif d’exterminer les Tutsi. Il s’agit du Rwanda de Habyalimana, de la Tanzanie, auxquels s’ajoutent l’Egypte et le Zaïre sans oublier les organisations comme l’ONU et l’OUA.

C’était un mini-sommet pour encourager le génocide des Tutsi au Burundi d’abord, et dans la sous-région ensuite. Dans ce mini-sommet Dr J. Minani en profite pour réciter le catéchisme du Frodebu que ce parti a enseigné à ceux qui étaient en train de commettre le génocide contre les Tutsi.

Dans ce Burundi, il n’y a que les Hutu qui meurent depuis 1965, tués parce qu’ils sont Hutu, par les extrémistes Tutsi ou l’armée nationale pour qu’il  hésite d’appeler mono ethnique comme il le faisait avec la population hutu pour. C’est la diabolisation du Tutsi et de l’armée qui est mise à jour dans une salle où les Tutsi et l’armée nationale ne sont pas représentés. Dr J. Minani sait bien que les choses ne se sont pas passées ainsi en 1965, 1969, 1972, 1988 et 1993. Lui en tant qu’idéologue du Frodebu savait que la politique de « Gususurutsa » ne signifiait autre chose que l’exclusion et ensuite l’anéantissement de l’ethnie tutsi. Donc même sa version sur Ndadaye M. et son règne est fausse.  Il présente le Hutu comme victime de toujours, un saint, marginalisé pour soulever les Hutu. C’est cette idéologie qui a abouti au génocide contre les Tutsi déclenché en octobre 1993 et qui continue.

Dr J. Minani est vraiment le symbole même du génocide des Tutsi déclenché en 1993. Il en est l’idéologue et l’incitateur via les Radios Kigali et RTLM. Son discours et son objectif n’ont pas encore changé. Il n’a pas la volonté de les changer. C’est pour cela que pour l’intérêt du Burundi, de la région et de l’humanité entière, Dr J. Minani doit être jugé et condamné pour crime de génocide. Retarder son jugement, c’est continuer de le soutenir dans son projet satanique, génocidaire. C’est soutenir l’anéantissement des Tutsi dans la région et dans le monde. Le génocide des Tutsi au Burundi en 1993 et au Rwanda en 1994 avait comme chef de file J. Habyalimana, Président du Rwanda et comme Etat-major à Kigali. J. Minani diabolisait l’armée nationale pour aboutir à son démentélement. L’armée nationale qui témoignait   sa loyauté aux institutions génocidaires qui dirigeaient le Burundi se trompait lourdement. Celles-ci ne sauront la ménager un seul instant. La preuve en est que, ces Institutions ont continué à la  traiter comme le faisait  J. Minani dans son propos, ci-haut cité. Toute l’armée burundaise n’a pas comploté pour assassiner le Président M. Ndadaye et encore moins tous les Tutsi.

J. Minani donne uen fausse situation pour désinformer la communauté internationale et diaboliser les Tutsi. C’est le même discours qu’il tenait au niveau des populations hutu. Pour lui aucun hutu n’est coupable d’avoir tué les Tutsi. Ce qu’il raconte c’est le contraire de la réalité que j’ai donné dans les chapitres antérieurs sur ce qui s’est passé réellement en 1965, 1969, 1972 et en 1988. Sa version entre dans l’idéologie du génocide contre les Tutsi qui consiste à les transformer en criminels alors que toutes ces dates ont marqué l’histoire du Burundi parce qu’il y a des extrémistes hutu qui chaque fois ont massacré des Tutsi innocents.   Ceux qui ont assassiné le Président M. Ndadaye et ses collaborateurs ont commis un crime. Les membres du Frodebu qui ont mobilisé les Hutu pour qu’ils tuent les Tutsi ont commis un crime de génocide. Les paysans Tutsi de l’intérieur du pays et les petits fonctionnaires tutsi n’avaient rien à voir avec la mort de M. Ndadaye.

Le 2 octobre 1993, Niyonkuru Shadrack, un nom qui était déjà cité dans le génocide contre les Tutsi de 1988, sortait une déclaration qui contenait un message à la population semblable à celui lancé par J. Minani. Il signait cette déclaration au nom du « code du 1er juin ». Le signataire était président du parti populaire (PP) allié du Frodebu pendant les élections. Le nom du parti populaire qui avait fait son apparition en 1965 et en 1972.  On peut lire dans cette déclaration :

« … Nous apprenons avec consternation le drame dans lequel un groupe de militaires extrémistes tutsis et ses valets vient de plonger notre pays, soucieux d’éviter à notre pays les massacres ethniques et génocidaires qui l’ont périodiquement endeuillé en 1965, 1969, 1972, 1993, 1988 et tout dernièrement en 1991, perpétrés par les mêmes militaires réaffirmant notre serment solennel de rester aux acquis de la démocratie, et, partant de ne plus faire marche arrière… Nous demandons à tout le peuple burundais épris de paix, de justice et de démocratie de se lever comme un seul homme pour défendre les institutions démocratiquement élues le 1er juin 1993. Nous invitons tous les Barundi à combattre jusqu’à la dernière goutte de sang le pouvoir illégitime qui sera mis en place par les putschistes sanguinaires… Le CODE 1er juin demande à toute la population de respecter et faire respecter toutes ces mesures sur les collines de recensement, de punir sérieusement tous les contrevenants ».[1]

Niyonkuru Shadrack avait été nommé ministre des transports, postes et télécommunications dans le gouvernement de M. Ndadaye.

J. Minani et Sh. Niyonkuru demandaient à la population de se battre pour la démocratie, jusqu’à la dernière goutte de leur sang (« demokrasi mwitoreye, muyiryameko muyirwanire »). On peut se demander ce que les extrémistes hutu veulent dire quand ils parlent de démocratie. Cela ne voulait dire autre chose que tuer les Tutsi. Kangura Magazine journal du Rwanda écrivait au mois de juin 1993 :

« Comme il existe le TIP (Tutsi international protection), il est nécessaire de mettre sur pied un HIP (Hutu international protection), à savoir une organisation de défense des Hutu. Ordinairement cette ethnie est aussi appelée « Bantous ». Les Bantous ont donc estimé qu’il est nécessaire de mettre rapidement en place une organisation des Bantous qui lutte pour la démocratie, en abrégé et en français Cobade (coalition bantou pour la démocratie). Cette action est nécessaire et elle invite tout Hutu à être logique, quelque soit son lieu de naissance, quel que soit le parti politique auquel il appartient, il faut qu’il vienne appuyer la vraie démocratie basée sur la majorité des voix… Qu’il y ait un cobade Rwanda, un cobade Burundi, un cobade Tanzanie, cobade Ugandais, cobade Gabon, cobade Centre Africain, cobade Zambie, cobade Afrique du Sud, Zimbabwe, Zaïre, Kenya, Malawi, Mozambique, France, Belgique et ailleurs… Nous pourrons alors demander au président Ndadaye d’accepter une rencontre à Bujumbura pour une première assemblée générale… ».[2]

Ce magazine mentait aux Hutu, il n’avait pas de Tutsi international protection. Ces extrémistes Hutu voulaient se mettre dans cet ensemble de Bantous pour qu’ils les aident à exterminer les Tutsi qu’ils appellent « hamites ».

Les gouvernements de ces différents pays cités ont répondu favorablement à leur appel chacun a joué un rôle important dans le programme de génocide contre les Tutsi au Burundi. Leur campagne a bien marché.

Le détail du code juin ou la manière de défendre la démocratie « ne pouvait pas être dictée à la radio Kigali ou RTLM. Il suffisait de donner l’ordre et ce qu’il fallait faire était connu par les exécutants. S. Niyonkuru leur a dit de couper les routes, de se lever comme un seul homme our défendre la démocratie. La suite est connue.

Le 21 octobre 1993 dès que la nouvelle du coup d’Etat contre M. Ndadaye a été connue, les Hutu se sont mis à massacrer les Tutsi dans beaucoup de provinces et de la même manière. Il était visible qu’il y avait eu une préparation. Les premiers ordres de tuer les Tutsi ont été donnés par les gouverneurs de province, membres du Frodebu, notamment ceux de Ngozi, Gitega, Karuzi et Muramvya.

Au cours du génocide contre les Tutsi d’octobre 1993, tous les gouverneurs des provinces touchées ont été pointés du doigt par les rescapés et d’autres observateurs comme étant les commanditaires de ce génocide. Leur participation est bien détaillée dans le livre  intitulé « Burundi, le génocide d’octobre 1993 ».

Deux gouverneurs celui de Bujumbura Rural et celui de Muyinga ont été jugés et condamnés pour une période de 20 ans. Ils sont sortis de la prison après avoir purgé un quart de peine. Aloys Hakizimana est devenu médecin du Président Ndayizeye Domitien, après sa sortie de prison.

Les gouverneurs tutsi membres du Frodebu se sont beaucoup distingués dans le génocide contre les Tutsi dans les provinces qu’ils dirigeaient. Il s’agit notamment de Joseph Ntakirutimana et Léonce Ndarubagiye. Ils se sont beaucoup distingués dans le génocide des Tutsi. Par après, ils ont adhéré dans le mouvement terroriste génocidaire le Cndd-Fdd. Ils continuent à mettre en œuvre le programme d’extermination des Tutsi avec beaucoup de leurs anciens collègues du parti Frodebu. Les ministres et les gouverneurs, les administrateurs communaux,  nommés par Ndadaye M. ont joué une part active dans le génocide contre les Tutsi de 1993. Ils sont les concepteurs, les planificateurs et les commanditaires. Ils ont commis consciemment un crime inamnistiable et imprescriptible. Les victimes doivent continuer à exiger leur sanction. Ce n’est pas un combat facile mais il est noble. Pour les victimes M.Ndadaye est un des instigateurs de ce génocide et ne peut pas prétendre être considéré comme un héros de la démocratie. Il avait fait allusion à ce génocide pendant la campagne électorale de 1993 quand il disait que ceux qui ne suivront pas son parti seront emportés par le déluge « isegenya » et quand il avertissait les militaires qui l’avaient arrêtés : « Dites-moi ce que vous voulez, on peut négocier, mais surtout pas de sang, pensez à votre pays, pensez à vos familles ». Pour répliquer à un coup d’Etat éventuel le Frodebu avait préparé comme réplique l’extermination des Tutsi.