Burundi: Quelle est la vérité sur les tueries de 1972? (quatrième partie)

Michel MICOMBERO 1966-1976

Burundi: Quelle est la vérité sur les tueries de 1972? (quatrième partie)
Nous poursuivons notre démarche vers la recherche de la vérité sur les évènements de 1972. Cette vérité va nous servir à barrer la route aux extrémistes qui cherchent toujours à la déformer pour arriver à des intérêts égoïstes pour les uns, et à exterminer une catégorie de burundais pour les autres.
Dans notre précédente édition, nous avions essayé de montrer qu’un génocide avait été minutieusement préparé et que les services de renseignement du pouvoir Michel Micombero n’ont pas bien fait leur travail car il se remarque une négligence inquiétante dans l’exploitation des informations qui ont été transmises sur les préparatifs de cette attaque. Rappelons que ces services ont régulièrement reçu des informations qu’il y avait des groupes de rebelles qui s’entrainaient en Tanzanie, dans Kigoma, et au Zaïre (actuel RDC). Les exemples sont légion :
Un agent de l’immigration travaillant à Gisuru aurait affirmé que début avril 1972, il est descendu à Bujumbura pour informer la Sureté Nationale qu’il y a des entraînements qui se faisaient en Tanzanie pour attaquer le Burundi. L’information n’a pas été prise au sérieux.
D’autres informations disent qu’un missionnaire européen d’une paroisse du sud a informé les autorités que pendant les retraites pascales, les jeunes hommes et les hommes valides ne s’étaient pas présentés comme d’habitude. Les fidèles lui avaient révélé qu’il y avait des camps en Tanzanie où ces jeunes se préparaient pour une guerre contre le Burundi.
Un certain Abdul Aziz Ntahiraja, ancien agent des renseignements, aurait révélé au journal Iwacu qu’il avait transmis l’information en rapport avec les préparatifs d’attaques rebelles au sud du Burundi, 6 mois avant le 29 avril 1972. Il affirmait avoir eu des informations par le biais de deux personnes (hutu) que des Hutu préparaient une attaque à partir de Kigoma, aidés par les Mulelistes : « J’ai informé Jean Bikamba et Gaspard Kazohera alors respectivement procureur et gouverneur de Bururi. Nous avons tenu une réunion à laquelle participait aussi Samuel Nduwingoma, commandant du camp de Bururi. » L’information aurait été exploitée jusqu’à connaitre même la date probable d’attaque.
C’est suite aux informations concordantes provenant de plusieurs sources, que les plus hauts responsables de la sécurité ont tenu une réunion de travail le 23 avril 1972 à Bururi. Les témoins anonymes affirment que participaient aussi à cette réunion le Ministre de l’Intérieur Albert Shibura, le Ministre de l’Information André Yanda, le Chef d’Etat-major Général des Forces Armées Burundaises Thomas Ndabemeye, l’Administrateur Général de la Sureté et Immigration Bernard Bizindavyi et le Commandant du Camp Bururi. Il paraitrait qu’ils n’ont pas jugé l’affaire ‘’suffisamment très grave’’. Mais, ils ont décidé de lancer une campagne de sensibilisation de la population, en commençant par Rumonge.
C’est exactement dans cette localité du Sud du pays que les attaques ont commencé le 29 avril 1972 vers 16hoo alors qu’à Bujumbura, il était prévu qu’elles commencent à 23hoo.
Deux ministres très influents du gouvernement Micombero, Albert Shibura et Yanda étaient à Rumonge dans les meetings de sensibilisation de la population. D’après des témoins rescapés, ils sentaient qu’il y avait quelque chose qui se tramait. En fin de journée, les massacres ont commencé. Tous les administratifs de Bururi qui s’étaient rendus à Rumonge ont été tués, découpés en morceaux à la machette, sur la route de retour. L’équipe des journalistes de la radio qui a couvert la réunion a été massacrée, et le véhicule émetteur a été brûlé. Les ministres Shibura et Yanda n’ont eu la vie sauve qu’en passant par une route détournée. Car la voie longeant le Lac Tanganika, de la frontière sud avec la Tanzanie jusqu’aux portes de la capitale Bujumbura était infestée d’hommes armés de machettes, de gourdins et de quelques fusils. Ces hommes, associés à d’anciens mulélistes congolais liquidaient tout ce qui était tutsi ainsi que les hutus qui refusaient de tuer ; disent les témoins.
Voici la liste de quelques victimes de l’administration de Bururi tuées par les génocidaires Hutus en 1972 :

  1. Rungarunga Domitien : 1er Secrétaire Provincial du Parti Uprona à Bururi
  2. Dr Simbiyara Cyprien : Médecin Directeur de l’Hôpital de Bururi
  3. Zidona Isidore : Conseiller du Gouverneur de Bururi
  4. Nindorera Joseph : Commissaire d’arrondissement à Bururi
  5. Karenzo Gaspard : Président du Tribunal de Grande Instance de Bururi
  6. Bikamba Jean : Procureur de la République à Bururi
  7. Rubati : Juge à Rumonge
  8. Sinaniranye Adolphe : Inspecteur des Ecoles Primaires à Bururi
  9. Baranyitondeye Pie : Directeur de l’Ecole primaire à Rumonge
  10. Barampangaje Melchiade : Commissaire-adjoint et chef secteur de Rumonge
  11. Kimaka Antoine : Administrateur de la Commune Burambi
  12. Ndarusigiye Isidore : Médecin vétérinaire à Bururi
  13. Albert : Secrétaire Comptable de la commune Bukemba
  14. Nintije François : Commandant de la brigade de Rumonge
  15. Ruhigira Déo : Chauffeur de l’Isabu MOSO
  16. Ndikumuzambo Jean : Chauffeur de la commune Burambi
  17. Capitaine Mbonihankuye : à Nyanza-Lac
  18. Nijimbere Charles : Infirmier vétérinaire à Bukemba
  19. Kivuvu Alphonse : Juge à Vyanda
  20. Siboniyo : Chef de zone à Vyanda
  21. Majugu Jean
  22. Nturama Simon
  23. Ndikunkiko Etienne
    A Bujumbura, les tueries devraient commencer à 23 hoo. Le coup d’envoi des tueries devait être donné par la radio nationale. Elle devait être occupée par les tueurs à l’avance, en commençant par le Centre d’émissions, qui était en face de l’actuel mess des sous-officiers, à côté du Camp Muha. Le lieu est aujourd’hui occupé par des maisons du quartier Gasekebuye. Un des comploteurs avait été positionné à la Radio Nationale pour annoncer l’avènement de la « République du Soleil », dont l’emblème avait déjà été marqué sur la pièce d’un franc burundais utilisé à l’époque et avait été reproduit sur les grillages de plusieurs habitations
    Les soirées dansantes devraient commencer à 22hoo. Le capitaine Marcien Burasekuye, organisateur en chef de la soirée des officiers de Bujumbura, avait convié tous les hauts gradés tutsis et même le Président de la République. Les rebelles étaient censés surgir à 23 heures pour accomplir leur sinistre besogne. Ces hommes drogués s’étaient cachés dans la brousse autour de la capitale.
    Les gens de Bujumbura ont eu la vie sauve grâce à une erreur de ce fameux capitaine Burasekuye qui s’est endormi dans les bras d’une jeune femme à Musaga. Quand il s’est réveillé, il a cru qu’il était en retard. Il a couru vers le Mess des officiers et n’y a trouvé personne. Croyant que la soirée serait déjà terminée, il a ordonné de tuer ceux qui étaient sur les itinéraires. Dans leur égarement, ils réussirent quand même à brûler les voitures des passants et à tuer trois militaires (dont le capitaine Dodelin Kinyomvyi) qui rentraient paisiblement dans leur camp. D’autres informations disent que Kinyomvyi allait préparer l’arrivée de Michel Micombero au Mess des officiers. Ils étaient arrivés à hauteur de la Cathédrale Regina Mundi, là où a été érigé le monument du soldat inconnu. L’ordre attendu dans tout le pays ne fut pas transmis. Dans la plupart des chefs-lieux, la fête se poursuivit jusqu’à l’aube. Les tutsi s’amusèrent comme les autres, sans se douter qu’ils avaient été sauvés de la mort par un concours providentiel de circonstances.
    URN HITAMWONEZA vous promet de continuer à traiter ce dossier pour mettre la lumière sur tout ce qui s’est passé après cette date fatidique du 29 avril 1972. Nous condamnons encore une fois les tueries des hutus et tutsis, morts sans raison au cours de ces évènements et le silence qui les a suivi.

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