Burundi: Quelle est la vérité sur les tueries de 1972? (Dernière partie)
Dans notre tentative de connaitre la vérité sur les évènements de 1972, nous avons montré que les rebelles venus les uns de la Rd congo, d’autres entrainés en Tanzanie, ont envahi la capitale, l’Est et particulièrement le sud du pays. Ils ont tué tout tutsi rencontré jusqu’à éventrer les femmes enceintes ; ils ont aussi tué des arabes à Rumonge, accusés de cacher les tutsis. Le génocide avait été planifié par des hutus, civils et militaires hauts placés. Heureusement il n’a pas été exécuté comme prévu suite à une erreur du capitaine Marcien Burasekuye. Cette erreur salvatrice a fait que les opérations commencent avant l’heure prévue, et la radio n’a pas été utilisée pour donner le coup d’envoi des tueries à travers tout le pays. Les tueurs des centres provinciaux sont restés oreilles colées sur leurs postes de radio et n’ont rien eu comme messages ; ils n’ont rien fait car croyaient que l’opération était annulée ou reportée.
Quand le président Micombero s’est rendu compte que ce n’était pas un problème de coup d’Etat par les monarchistes, il a ordonné une répression sanglante et aveugle. Beaucoup de hutus, fonctionnaires, commerçants, étudiants et élèves ont été tués, des tutsis ont aussi péri dans cette barbarie humaine par simple règlement de compte.
Nos témoins nous disent qu’à Ngozi, c’est le gouverneur, un militaire originaire de Vyuya Commune Mugamba, qui commandait le rassemblement des gens à tuer. Des élèves du secondaire ont même été tués. Ils ramassaient beaucoup de gens, hutus comme tutsis. Les hutus étaient exécutés, certains tutsis retournaient chez eux ou à l’école, d’autres étaient tués confondus à des hutus par la forme du nez ou visage pas bien clair. Ce gouverneur aurait fait exécuter un fonctionnaire tutsi avec qui il avait un simple différend.
A Gitega, arrondissement de Nyabiraba (actuelles communes de Gishubi, Ryansoro, Nyarusange), ce sont les chefs qui établissaient les listes des hutus à tuer. Nos témoins nous disent que c’est un hutu, marié à une tutsie qui faisait les listes des fonctionnaires et des commerçants hutus à tuer.
Dans Songa, en province Bururi, les gens étaient invités dans des réunions de développement communal. Ils se rassemblaient sur les collines et les hutus à exécuter étaient rassemblés à part. Un rescapé hutu qui a refusé de participer dans ces réunions a fui, des jeunes tutsis sont partis à sa recherche. Il s’est caché sur la montagne Ngabwe. Un des jeunes l’a aperçu dans sa cachette, et il s’est rendu compte que ce hutu lui achetait régulièrement de la bière. Ils se sont entretenus un petit moment avant que les autres ne viennent et il a été sauvé pour avoir fait du bien. Le jeune a détourné l’attention de ses camarades vers d’autres lieux.
Dans Bujumbura, les hutus étaient ramassés dans les écoles et les quartiers. Les militaires les ligotaient et allaient les tuer et les jeter dans des fosses communes. Il y a des rescapés qui ont été jetés dans ces fosses vivants et qui ont pu s’en retirer la nuit.
Le cas de Vugizo a été atypique. C’est là que la rébellion avait hissé un drapeau, ils y avaient mis un gouvernement parallèle. Comme on l’a dit dans notre précédente édition, ils ne pensaient pas quitter ce lieu. Il y a eu une farouche résistance pour que les militaires parviennent à les déroger. La répression à cet endroit a donc été très sanglante. Beaucoup de hutus y ont été rassemblés et fusillés par les militaires. Les cadavres ont été jetés dans des fosses communes. Là aussi, certains ont été enterrés vivants.
Les témoins nous disent aussi que parmi les militaires utilisés pour tuer les hutus, il y avait des hutus et des tutsis. Les militaires hutus étaient eux aussi exécutés après le coup.
En concluant, nous avons essayé de montrer que l’idéologie de génocide des tutsis par les hutus a été accentuée par la colonisation belge. La Belgique devrait assumer sa responsabilité un jour. Leur politique de ‘’ Diviser pour régner’’ a éveillé les démons hutus. Nous avons vu que les belges ont d’abord démantelé l’administration en place dans Rwanda-Urundi ; avec comme prétexte que les hutus ne pouvaient pas diriger. Avec la révolution de 1959 au Rwanda qui consistait à refuser que la minorité numérique tutsie gouverne la majorité numérique hutue, les extrémistes hutus n’ont pas uniquement cherché que les hutus dominent dans les institutions du pays, mais ils ont toujours gardé à l’esprit qu’il faut exterminer les tutsis. Ils ont d’abord utilisé tous les moyens pour les maltraiter, leur priver des droits de citoyen à part entière, jusqu’au génocide à grande échelle en 1994 au Rwanda. Les hutus extrémistes du Burundi ont toujours voulu copier le modèle rwandais et se sont heurtés aux différents pouvoirs dits tutsis qui voulaient le partage entre hutu-tutsi dans la gestion du pays (depuis la monarchie jusqu’au pouvoir dit militaire de Buyoya qui prônait l’unité nationale). A l’arrivée du pouvoir Frodebu, l’idée de génocide est revenue avec les leaders de ce parti qui rentraient fraichement du Rwanda. C’est ainsi qu’ils ont planifié et mis en exécution le génocide des tutsis en 1993 suite à l’assassinat du président Melchior Ndadaye. La plupart de ces extrémistes qui ont commis ce génocide ont ensuite fui vers le Rwanda ; certains d’entre eux ont même participé dans le génocide des tutsis du Rwanda en 1994 aux côtés des interahamwe. Ils sont rentrés au Burundi après le coup et ne se sont jamais inquiétés. Ce sont ceux mêmes visages, avec d’autres hutus, qui ont commencé la rébellion au Burundi avec comme motif de rétablir la démocratie. Ils n’ont fait que tuer les rescapés de ce génocide de 1993. Ce sont les mêmes extrémistes hutus qui sont rentrés de cette rébellion par les négociations qui sont entrain, avec les moyen de l’Etat, de chercher à parachever le génocide des tutsis. Ils tuent aussi, et sans pitié, tout hutu qui s’oppose à leur mauvaise gestion de l’Etat ; un pays qu’ils gèrent comme leur propre boite.
URN HITAMWONEZA ( Union for the Rebirth of the Nation ) regrette que les tueurs et les victimes n’ont pas été tous identifiés et qu’aucune enquête n’est jusqu’ici été faite par aucun pouvoir. Nous regrettons aussi que les pratiques de ligoter des personnes, les tuer et les jeter dans des rivières ou fosses communes utilisés par le pouvoir de Micombero en 1972 soient les mêmes utilisées par le pouvoir cnddfdd jusqu’aujourd’hui. Nous leur rappelons que les techniques de communication ont beaucoup évolué. On n’est plus dans les années 1972 où les moyens de communication étaient presque inexistants. Aujourd’hui le monde est devenu comme un petit village. Tout ce que vous faites aujourd’hui est documenté et enregistré. Tôt ou tard, vous répondrez de vos actes. Nous continuerons aussi à demander que des enquêtes soient faites sur toutes les tueries faites au Burundi pour qu’un jour, la justice fasse son travail et que chacun, hutu comme tutsi, réponde de ses actes. C’est de cette seule façon que la réconciliation soit possible.