Burundi : Pourquoi le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) s’est-il précipité à retirer le Burundi de son agenda politique ?
La question mérite une réponse, quatre mois après que le CSNU ait posé ce geste de retirer le Burundi de son agenda politique. C’était le 4 décembre 2020. Depuis cette date jusqu’aujourd’hui, les violations des droits de l’homme au Burundi ont continué et se sont même accentuées. Le département d’Etat Américain, dans son rapport du 01 Avril 2021, dresse un bilan de 200 morts au courant de l’année 2020. Les organisations de défense des droits de l’homme au Burundi disent que ce chiffre ne révèle pas la réalité, que c’est plus de 400 personnes tuées au moment où le pouvoir de Gitega rejette tout en bloc, semble montrer que tout est rose, sans devoir s’expliquer sur les graves violations des droits de l’homme dont il est accusé.
En retirant le Burundi de son agenda politique, le CSNU, dans son communiqué, justifiait sa décision par ‘’une amélioration de la situation sécuritaire au Burundi’’. La décision signifiait alors qu’il n’y aura plus de rapports délivrés au Conseil de sécurité tous les trois mois. Le secrétaire général des NU Antonio Guterres devrait couvrir le pays dans le cadre de ses rapports réguliers sur la région des Grands Lacs et l’Afrique centrale.
Pourtant, le rapport du Département d’Etat Américain vient de prouver que le CSNU s’est trompé en prenant cette décision. Selon ce rapport, qui confirme par ailleurs ce qui a été toujours écrit par les différentes organisations de défense des droits de l’homme au Burundi, de graves violations des droits de l’hommes se sont observées au Burundi, et ce depuis l’arrivée au pouvoir d’Evariste Ndayishimiye.
Dans son rapport de mars 2021, la commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi dirigée par Doudou Diène avait annoncé que ‘’depuis septembre 2020, des militaires Ex-FAB (membres de l’ancienne force armée burundaise) ainsi que des membres de leurs familles, des jeunes, souvent d’origine Tutsie, et des membres des partis d’opposition, ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, d’arrestations et de détentions arbitraires souvent accompagnées de torture’’. Doudou Diène ajoutait que ‘’chaque semaine, des corps sans vie continuent d’être retrouvés dans l’espace public et sont enterrés à la va-vite par les autorités. L’ampleur de ce phénomène qui s’inscrit dans la durée et le nombre important de ces « crimes de sang » dans le pays restent préoccupants’’. Il concluait que ‘’ le gouvernement doit reconnaître la gravité de la situation et y remédier’’. Rien n’a cependant été fait dans ce sens.
Il y a lieu de conclure alors que le Conseil de Sécurité s’est trompé ou a été roulé par ceux qui ont donné des rapports de la situation sécuritaire sur le Burundi. Certains estiment qu’il aurait été aveuglé d’une part par de mauvais rapports sur le déroulement et les résultats des élections ainsi que la situation qui a prévalu après les élections car tout semblait normal ; ce qui ne signifie pas que le peuple a accepté les résultats des élections. Si le peuple ne s’est pas directement levé pour aller dans la rue contester le holdup électoral qui venait d’avoir lieu, c’est tout simplement qu’il savait combien la clique militaire s’était préparé pour réprimer dans le sang (comme elle l’a fait lors des manifestations de 2015), toute contestation des résultats de ces élections. D’autre part, le CSNU aurait cru aux déclarations d’intentions du président Evariste Ndayishimiye. Même Doudou Diène l’a bien souligné dans son rapport que ‘’les déclarations d’intention du Président Ndayishimiye, ne sauraient suffire à améliorer durablement la situation ‘’
La décision du 4 décembre 2020 est tombée au moment où le pouvoir burundais avait refusé de prolonger le bureau de l’envoyé spécial onusien au 31 décembre 2021, comme le préconisait Antonio Guterres. C’est cela qui a poussé Thierry Vircoulon, coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’IFRI (Institut français des relations internationales) à parler ‘’d’un constat d’impuissance du CSNU’’. Son communiqué conclut par ailleurs en demandant au pouvoir de Gitega de ‘’ lutter contre les violations des droits de l’homme et autres problèmes persistants’’, comme s’il avait remarqué que ce pouvoir avait déjà marqué des points significatifs.
Beaucoup d’analystes politiques trouvent qu’il soit possible que retirer le Burundi de l’agenda politique du CSNU était une stratégie d’encourager le Burundi à plus d’ouverture vers les autres pays du monde (car feu Pierre Nkurunziza avait complètement isolé le pays du reste du monde) ; et de cette façon, il était plus facile pour la communauté internationale de faire pression ( politique, diplomatique, économique) sur le gouvernement burundais pour qu’il œuvre dans le sens du respect des droits de l’homme. Ces analystes reconnaissent cependant que cette stratégie a échoué.
URN HITAMWONEZA rappelle au CSNU que le pouvoir cnddfdd n’est pas prêt à changer demain ou après-demain dans le sens positif en matière de respect des droits de l’homme car il est sous l’emprise des hommes et des femmes qui ont commis beaucoup de crimes de sang et des crimes économiques, à tel point qu’ils tirent avantage à ce que la situation soit maintenue comme telle ou qu’elle s’empire (certains sont d’ailleurs sous sanctions internationales). C’est pour cette raison que cette clique militaire est prête à provoquer un génocide au Burundi et dans la sous-région (les cibles : les tutsis et les hutus de l’opposition). Nous ne cesserons jamais de le répéter et le temps nous donnera raison. Maintenant que le CSNU a fait le constat de son échec, maintenant que l’UE a aussi remarqué que les promesses tenues par le président Evariste Ndayishimiye ne sont jamais suivies d’effets car il n’a pas le pouvoir de décision (c’est le groupe des criminels qui décide), la communauté internationale dans son ensemble, et le CSNU en particulier, devrait garder un œil vigilent sur le Burundi et prendre plutôt des mesures préventives à temps au lieu de chercher à réagir après coup.