Burundi: Lourdes peines dans le dossier Melchior Ndadaye: Un procès plutôt politique (3eme partie)
Nous continuons nos analyses au cours de cette semaine consacrée à l’assassinat du président Melchior Ndadaye et le génocide des tutsis qui a suivi sa mort. Nous avons essayé de montrer, même si on n’a pas été exhaustifs, pas mal de gens qui seraient impliqués, de près ou de loin, dans la mort de feu président Melchior Ndadaye. Nous parlions hier de la France avec le président Mitterrand, du Rwanda avec Juvénal Havyarimana : la présence à Bujumbura la nuit du 21 octobre 1993 du capitaine français Paul Barril et du chargé des renseignements du président Juvenal Havyarimana a sa signification. Le pouvoir Ndadaye commençait à avoir beaucoup d’ennemis. Certains observateurs avisés disent que même au sein du Frodebu, il y avait des gens qui n’étaient pas contents du début de son règne, sans oublier le palipehutu qui avait été à ses côtés (en enseignant la haine contre les tutsis) au cours de la campagne électorale. Ajouter à cela les problèmes liés à l’exploitation minière avec les sociétés AFFIMET dont il avait déjà suspendu les droits d’exploitation, les terres de Rumonge que son régime commençait déjà à distribuer aux rapatriés hutus chassant les occupants tutsis sans aucune formalité.
Avec tous ces dossiers, on ne sait pas réellement ce qui a déclenché sa mort. Tout ce qui est connu avec certitude est qu’il a été tué à la suite d’un coup d’Etat militaire, et c’est un caporal de l’armée qui l’a égorgé. Difficile de savoir tous ceux qui auraient participé dans la planification de sa mort car, même les putschistes n’ont pas fait de compromis sur son assassinat. Il est dit que les officiers qui étaient en réunion au bataillon para où Ndadaye avait été conduit après que le Chef d’Etat-major, Jean Bikomagu, l’ait extrait, avec sa famille, des mains des commandos enragés du camp Muha ( Bikomagu a donné une jeep à la femme et aux enfants de Ndadaye pour les conduire à la maison et les militaires ont conduit Ndadaye seul au Bataillon Para) ; ces officiers ont aussi appris par surprise que Ndadaye est déjà mort. Ils discutaient encore s’il fallait le tuer ou le laisser en vie et l’exiger certaines choses à changer dans sa gouvernance. La décision de sa mise à mort serait-elle de la seule initiative du caporal Kiwi ? Ou il y aurait un des officiers qui serait passé à côté pour lui donner l’ordre de faire vite l’affaire ? Là, on n’a pas de réponse.
Nous disons que juger et punir ceux qui ont commis ce crime est en soi une bonne chose. Mais il faut un procès juste et équitable. Ici, les gens se posent beaucoup de questions : pourquoi les gens qui viennent d’être jugées ce 19 octobre 2020 ne l’ont pas été en même temps que les autres caporaux qui ont même déjà purgé leurs peines ? Pourquoi le cnddfdd qui est au pouvoir depuis 2005 pense à traiter et terminer ce dossier aujourd’hui ?
Ce procès n’a rien de justice, c’est un procès plutôt politique. Deux buts visés par le pouvoir cndd fdd : Un pouvoir issu d’un coup d’Etat électoral qui sait que les hutus qu’il croyait servir (ils exploitent toujours la corde ethnique pour se faire élire car ils n’ont pas de projet de société à présenter et qui serait apprécié par le peuple) n’ont pas élu le candidat du cnddfdd ; ils ont choisis le changement aux élections de mai 2020. Le pouvoir actuel tente alors de montrer, à travers ce procès, qu’il est fort, qu’il peut même clôturer des dossiers qui faisaient peur aux autres pouvoirs ; ils croient pouvoir ramener la confiance de la masse hutue. Le pouvoir militaire d’Evariste Ndayishimiye sait que ceux qui avaient voté pour Melchior Ndadaye étaient des hutus ( vote non démocratique, mais ethnique), et qu’ils seraient tous contents d’entendre que ces personnalités sont condamnées par son régime. Il se trompe car il ignore que les choses ont changé, les esprits des gens sont ailleurs aujourd’hui, à la recherche du changement de son régime qui tue, qui emprisonne, et qui appauvrit le peuple et le pays en général. Le deuxième but visé par la clique militaire au pouvoir c’est arriver à créer réellement deux blocs antagonistes entre burundais : une véritable cassure entre hutus et tutsis afin de réussir sans trop de difficultés son plan de parachever le génocide des tutsis et des hutus de l’opposition. Le moment n’était pas opportun pour un tel procès, le cadre n’est pas non plus approprié car de tels procès sont prévus dans l’accord d’Arusha (le cnddfdd l’a violé), des gens qui ne peuvent pas aller présenter leur défense au Burundi (ont peur pour leurs vies) et le pouvoir refuse d’entendre leurs avocats ; voilà un climat dans lequel ces condamnations ont eu lieu.
URN HITAMWONEZA estime que la clique militaire au pouvoir est en train de faire tout ce qui est à sa hauteur pour provoquer une révolte d’une certaine catégorie de la population afin de trouver du prétexte pour en finir avec le génocide qu’il a toujours exécuté à compte-goutte. Sinon, juger les assassins de Melchior Ndadaye et les planificateurs et exécutants du génocide qui en a suivi est notre souci constant. Un procès équitable pour tout ce monde n’est pas possible avec ce pouvoir qui ne cherche qu’à manipuler la justice pour ses propres intérêts. Comment un pouvoir aux mains des génocidaires dont leur place devrait être la prison puisse-t-il juger d’autres fautifs ? Les burundais devraient d’abord songer à changer, par tous les moyens, ce pouvoir pour arriver à une véritable justice pour tous.