Burundi: La planification de l’assassinat du président Ndadaye aurait commencé juste après sa victoire (7ème partie)
Nous nous acheminons vers la fin de la semaine dédiée à la mémoire du président Ndadaye qui a été assassiné le 21 Octobre 1993 par un groupe de militaires et qui a été suivi par un génocide des tutsis par les hutus de son parti le Frodebu. Comme nous avons eu le temps de démontrer que le génocide des tutsis n’a pas été un fait d’une réaction spontanée de la population hutue à l’annonce de la mort de leur leader Ndadaye, que ce n’est pas non plus la ‘’petite colère’’ comme certains semblaient vouloir le faire savoir pour camoufler leur crime, mais que c’était une action planifiée depuis longtemps et enseignée aux hutus ; nous découvrons aussi que le coup d’Etat du président Ndadaye a été pensé longtemps avant son investiture. La victoire de Ndadaye a cause pour certains un état de choc car ils ne s’y attendaient pas malgré la foule qui était derrière lui pendant la campagne ; pareille foule était derrière Buyoya. Les plus naïfs ne savaient pas que la plupart de ceux qui portaient la casquette Uprona n’étaient que des hutus du frodebu envoyés pour cette mission de faire croire à Pierre Buyoya que sa politique d’unité nationale a porté des fruits. Pourtant, des commandants de district (gendarmerie) ne cessaient de le dire, mais Pierre Buyoya et certains officiers de l’armée ne voulaient pas y croire. Ce seraient alors ceux -là mêmes qui ont été choqués et qui n’ont pas digéré la victoire de Melchior Ndadaye. Ils ont alors commencé depuis sa victoire à planifier un coup d’Etat, ce qui a été fait. Ils ont tué le roi des abeilles et les abeilles ont piqué les leurs comme le disaient pas mal de hutus pour tenter de justifier le génocide des tutsis de 1993.
En lisant le rapport de la commission des Nations unies, S/1996/682 du 22 Aout 1996, on y trouve beaucoup de témoignages qui montrent bien les détails sur le déroulement du coup d’Etat et le génocide qui a suivi, mais il est intéressant de lire dans les premières pages d’autres tentatives de coups d’Etat qui ont eu lieu juste avant la prestation de serment de Ndadaye. Nous vous proposons un petit extrait des témoignages trouvés dans ce rapport :
Le 3 juillet 1993, des hommes du 2e bataillon commando ont fait une tentative de coup d’Etat peu de temps avant la prestation de serment du Président Melchior Ndadaye. La tentative de coup d’État a échoué et ordre a été donné d’arrêter plusieurs officiers et soldats, parmi lesquels le lieutenant- colonel Sylvestre Ningaba, qui avait été Chef de cabinet du Président Buyoya, le major Bernard Buzokosa, le major Jean Rumbete, le capitaine René Bucumi, le capitaine François-Xavier Nintunze et le commandant Hilaire Ntakiyica.
Le Président Ndadaye a prêté serment le 10 juillet 1993 et s’est installé dans l’ancien palais présidentiel qui se trouvait au milieu d’un vaste périmètre entouré d’un haut mur d’enceinte, au coin nord-ouest de l’intersection de deux larges avenus dans le centre de la ville. Au nord du palais se trouve l’ancien hôtel Méridien, rebaptisé Source du Nil. Un terrain de golf s’étend au-delà de l’enceinte extérieure ouest et d’une partie de l’enceinte extérieure nord.
Le 11 octobre 1993, vers 11 heures, le lieutenant Gratien Rukindikiza, chef des gardes du corps du Président, selon son propre témoignage, a reçu du lieutenant-colonel Jean Bikomagu, chef d’Etat-major de l’armée, l’ordre de partir pour Maurice l’après- midi même, afin d’y préparer la venue du Président, attendu pour la réunion des chefs d’État francophones qui devait se tenir du 16 au 18 octobre. Bikomagu lui a également donné l’ordre de revenir avant le 21 octobre, sans ne lui donner aucune explication. Avant de quitter Bujumbura, Rukindikiza a dit au lieutenant- colonel Pascal Simbanduku, Président de la Cour militaire, qu’il soupçonnait qu’un coup d’Etat était en préparation, en mentionnant les noms de certains officiers, dont celui de Lucien Rufyiri.
Le 18 octobre 1993, le président Ndadaye rentre du sommet de Maurice. Le même jour, le Ministre de la défense, le lieutenant-colonel Charles Ntakije, était informé par le chef d’état-major de la gendarmerie, le lieutenant-colonel Epitace Bayaganakandi, que selon des sources fiables, un coup d’État était en préparation. Des rumeurs de coup d’État avaient commencé à circuler avec insistance le même jour.
Le 19 octobre 1993, le président Ndadaye a présidé un conseil des ministres, qui a duré toute la journée et a repris le lendemain jusqu’au soir. Dès le 20 octobre 1993, les chargés de renseignement ont commencé déjà à parler de l’imminence du coup d’Etat ; du chef de cabinet du président jusqu’au président lui-même, tout le monde en était informé. Certaines autorités aussi bien militaires que civiles semblaient négliger l’information, d’autres ont fait semblant de rassurer qu’elles contrôlaient la situation. Il y a lieu d’y voir une certaine complicité.
La suite des évènements de la date du 20 au 21 octobre 1993 est trop long, il faut lire le rapport, il décrit heure par heure, comment les évènements se sont poursuivis jusqu’à l’assassinat de Melchior Ndadaye, avec les responsabilités des uns et des autres.
Ce qui est un peu étonnant, et qui montre que le procès du 19 octobre 2020 est plutôt un procès politique, est que certaines figures remarquées dans le rapport et qui ont joué un rôle déterminant dans le coup, n’ont jamais fait objet d’aucune poursuite
URN HITAMWONEZA condamne avec sa dernière énergie tous ceux qui ont planifié et exécuté la mort du président Ndadaye et ses collaborateurs et demande que des commissions d’enquêtes internationales soient mises en place pour enquêter de façon rigoureuse sur la responsabilité de tous les acteurs dans ce dossier pour que soient punis tous les véritables coupables ; une façon d’éviter le règlement de compte du pouvoir cnddfdd en utilisant ses juridictions qu’il oriente comme il veut. Les vrais planificateurs du coup d’Etat devraient aussi savoir expliquer comment ils n’ont pas pensé à protéger la population tutsie et hutue de l’Uprona puisqu’ils n’ignoraient pas le plan génocidaire du Frodebu ; les membres de ce parti ne le cachaient pas pendant la campagne électorale. S’ils ne parviennent pas à l’expliquer, ils risqueraient de partager la responsabilité avec ceux qui ont exécuté le génocide. Ces derniers doivent aussi être jugés et punis car ils sont tous connus, tous leurs noms, colline par colline, sont consignés dans un document à notre disposition ; les rescapés les ont dénoncés. Nous attendons une juridiction compétente pour juger tous ces criminels et d’autres qui ont continué à commettre des crimes variés jusqu’aujourd’hui. C’est de cette seule façon que le Burundi pourra retrouver une paix durable et une stabilité.