Burundi: Assassinat du président Ndadaye en 1993 suivi du génocide des tutsis : Témoignages émouvants (5eme partie)
Ce n’est plus à démontrer ; le président Melchior Ndadaye a été tué par un groupe de militaires, téléguidés par beaucoup d’autres acteurs qu’on tente de découvrir progressivement. Nous avons vu quelques exemples de la France avec François Mitterrand, le Rwanda de Juvénal Havyarimana, des pays européens comme la Belgique et d’autres qui seraient de près ou de loin impliqués dans cet assassinat. Le comble de malheur est que ce sont les simples paysans tutsis burundais qui en ont payé le prix. Nous savons aussi que ces tueries ont déjà été qualifiées de génocide des tutsis par les hutus du Frodebu par une commission onusienne envoyée au Burundi en 1995 (voir rapport S/1996/682 du 22 Aout 1996). Personne ne peut nier que ce génocide ait été longtemps planifié même avant les élections de juin 1993, car, il serait incompréhensible que des hutus de tout le pays aient une même réaction en même temps à l’annonce de la mort du président Ndadaye. Nous disposons de beaucoup de témoignages des rescapés recueillis lors d’une enquête qui a été faite à travers tout le pays. Les réactions ont été les mêmes : couper des arbres pour obstruer les routes et éviter l’intervention des forces de l’ordre, mobilisation de tous les hutus par l’administration pour tuer systématiquement tous les tutsis et certains hutus de l’Uprona, même modele de frappe pour tuer ‘’ niveau ni ugutwi’’ (frapper la machette au niveau de l’oreille), etc… Tout cela montre que le projet a été préparé et enseigné à travers tout le pays, soit avant, soit pendant la campagne électorale qui a précédé les élections de juin 1993.
Aujourd’hui, nous vous vous proposons des témoignages des rescapés de Kayanza, en commune Muruta, qui disent comment les tutsis ont été rassemblés, ligotés et tués, jetés dans des fosses communes, dans les toilettes et d’autres brulés vifs à l’intérieur des hangars et des maisons.
Nous vous proposons d’abord les slogans utilisés partout dans le pays :‘’Isekeza ry’ukwica abatutsi n’abahutu bahemutse ryatanguye’’ pour dire « La campagne en vue de tuer les Tutsis et les Hutus « traitres » a commencé – Isango ryageze. Hagarara bwuma ,twikureko abansi n’ivyitso vyabo « Le jour convenu est arrivé. Soyez debout comme du fer .Nous allons nous débarrasser de nos ennemis et de leurs complices cachés parmi nous » ;- ‘’Niveau » ni ugutwi « le niveau c’est l’oreille ».N.B : c’est –à –dire, frapper au-dessus de l’oreille. Le slogan était habituellement utilisé dans les meetings du Frodebu pour inviter les membres à lever le point. Il avait donc un double sens, comme la plupart des termes du lexique de ce parti ; – susuruka »Réchauffez – vous »N.B : Le slogan était utilisé déjà au Rwanda en 1959 pour dire bruler les maisons des Tutsis. Il a été utilisé pour la même besogne en octobre 1993 au Burundi ; – ‘’Bahe itike y’ugusubira i misiri bagende iwabo « Donnez-leur le ticket du retour chez eux en Egypte » N.B : La littérature coloniale a fait descendre, on ne sait comment, les Tutsi d’Egypte. Ce slogan s’inspirait de cela chaque fois qu’il fallait jeter, vivantes et ligotées, les victimes dans les rivières. Ce même phénomène avait eu lieu au Rwanda. Il se reproduira à l’ occasion du génocide d’Avril 1994 (Rwanda) ; -Ica imporona « Tuez les Upronistes ».Ce terme péjoratif »Imporona » était utilisé pour diaboliser les Upronistes pendant la campagne électorale qui, pour le FRODEBU , a été principalement une mobilisation ethnique avec des dehors de campagne pour la démocratie ; –Twice abatutsi gushika hamwe umwana w’umuhutu azobaza ingene umututsi yasa ‘’tuons les Tutsis au point qu’un enfant Hutu pourra demander plus tard à quoi ressemblait un Tutsi’’ ; – Tema umututsi aho ari hose. Muhige n’inda muyikure muri nyina « Coupez en deux tout Tutsi partout où il est ; pourchassez –le. Même le fœtus doit être extrait du sein de sa mère’’ ; – Mara inkotanyi « Exterminez les Inkotanyi »(Front Patriotique Rwandais). N.B. : Pour mobiliser à l’extermination, il a fallu identifier les Tutsis avec les militants d’un parti étranger, qualifiés d’anti-Hutu par les tueurs ; – Murindiriye iki ? Akataraza karahinda « Qu’attendez-vous. Ce qui est en route est encore plus effrayant » ; – Umuhutu iyo ashavuye ntibagarura « Quand un Hutu est en colère, il n’y a pas moyen de le ramener sur ses pas ».
Voici un petit extrait de témoignages sur le déroulement du génocide dans la commune Muruta de la province Kayanza : Tôt matin, le jeudi 21 octobre 1993, dès la nouvelle qu’il y a eu tentative de coup d’Etat, l’Administrateur de la commune MURUTA, Monsieur Sévérien NZORUBARA, a fait le tour de toute la commune, lançant le mot d’ordre de détruite les ponts, d’abattre des troncs d’arbres sur les routes. ; Il était accompagné de Monsieur NTIHABOSE Patrice, Conseiller du Gouverneur de KAYANZA et de NANKUWUNGUKA Aloys, conseiller communal. Avant ce déplacement matinal dans les collines de la commune, l’administrateur NZORUBARA avait reçu la visite du Gouverneur de province, SURWAVUBA Malachie.
Dès 10 heures du matin, des foules des hutus se ruèrent sur les ponts et abattirent les arbres longeant routes et pistes pour les rendre impraticables. Alors, l’Administrateur NZORUBARA ordonna de commencer les massacres. Comme les groupes de hutus munis de lances et de machettes hésitaient à entreprendre cette macabre besogne, l’admirateur communal se saisit brusquement d’une machette et tua deux personnes en guise d’exemple ; le conseiller Monsieur BANKUWUNGUKA Aloys, suivit l’exemple de son chef, alors toute la meute de tueurs se rua sur les victimes, rivalisant de zèle et d’horreur.
Les massacres de Tutsis et de certains hutus Upronistes des collines MUTANA,NKONGE et MIKUBA se sont déroulés en même temps et au même endroit, soit le vendredi,22 octobre 1993 après midi vers 14 heures à MURANGARA, dans une même maison ; exception faite cependant pour 12 personnes qui ont été massacrées plus tard ( soit chez elles ‹par exemple 6 membres de la famille KAZOSI en juin 1995 dont 3 enfants de 4,4et 12 ans›, soit dans les champs ‹comme CIMPAYE Mesmus,46ans,et son fils Samuel de 18 ans›).
Bref, les premiers massacres des 104 personnes ont eu lieu le lendemain de la mort du Président NDADAYE, soit vendredi 22 octobre 1993 ; les autres plus tard en juin 1995. Ceux qui sont morts ainsi avaient soit quitté le centre des déplacés de CAMPAZI, soit avaient préféré rester chez eux croyant que des gens n’oseraient plus tuer.
Vous constatez avec URN HITAMWONEZA que l’assassinat de Ndadaye n’a été qu’un déclencheur d’un génocide longtemps préparé. La preuve est que après, la rébellion qui a suivi n’a fait que pourchasser les rescapés qui se trouvaient dans les camps de déplacés et d’autres tutsis partout où ils pouvaient les rencontrer. C’est Evariste Ndayishimiye qui s’active aujourd’hui à parachever ce génocide. Tous les burundais doivent se lever comme un seul homme pour lui barrer la route. Les hutus qui pensent qu’ils ne sont pas concernés se trompent beaucoup. On sait comment la guerre commence, on ne sait pas comment elle finit.