Burundi : La visite de Filippo Grandi dans la région des grands lacs pourrait-elle changer la situation calamiteuse des réfugiés ?
Après sa visite en RD Congo et au Rwanda, Filippo Grandi, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, est en visite au Burundi. Il a accompagné mardi 27 avril 2021 un convoi d’une centaine de réfugiés urbains burundais qui ont quitté le Rwanda et qui ont décidé volontairement de retourner dans leur pays natal. Ces derniers ont été accueillis à la frontière Rwando-Burundaise de Gasenyi/ Nemba par Gervais Ndirakobuca, alias Ndakugarika, ministre burundais de l’intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire. La présence de ce super ministre du pouvoir Evariste Ndayishimiye est une manière de montrer à Filippo Grandi que le gouvernement burundais se soucie beaucoup de ses citoyens qui retournent dans leur pays d’origine. Il n’avait été accueillir ces réfugiés que lors du premier tour de rapatriement le 27 Aout 2020, à la même frontière de Gasenyi/Nemba. Plus de 24 000 réfugiés burundais ont quitté volontairement le Rwanda pour rentrer dans leur pays natal. Les derniers en date sont les 114 réfugiés urbains qui sont rentrés le 27 Avril 2021 et 908 burundais en provenance de Mahama qui sont rentrés le 28 Avril 2021.
Filippo Grandi n’a rien promis de spécial aux réfugiés qui restent dans les pays d’accueil, surtout que ceux qui sont au Rwanda n’ont besoin que de quoi se nourrir, leur ration ayant été réduite de 60% ces derniers mois. La sécurité pour eux est garantie, contrairement aux réfugiés se trouvant dans d’autres pays de la sous-région ; ceux qui vivent le calvaire plus que d’autres étant ceux qui ont demandé asile en Tanzanie.
Jusqu’à présent, Filippo Grandi n’a pas encore dit mot sur cette insécurité qui touche les réfugiés se trouvant dans certains pays comme la RDC et spécialement la Tanzanie. Pourtant, un rapport des experts des droits de l’homme des Nations Unies sorti le 13 avril 2021 montre bien comment le gouvernement tanzanien, de connivence avec le gouvernement burundais ont maltraité les réfugiés en violation fragrante de la loi en la matière. Ces experts déplorent des cas de disparitions forcées, de torture, de retours forcés et d’intimidation commis contre les réfugiés burundais. Le rapport accuse notamment les gouvernements tanzanien et burundais d’être responsables de ces exactions.
Filippo Grandi va-t-il évoquer cette situation avec le président Evariste Ndayishimiye pour lui empêcher de violer la loi internationale qui protège les réfugiés contre le rapatriement forcé ? Nous ne pensons pas un seul instant que ce chef du HCR pourra évoquer directement cette question car, jusqu’ici, malgré les écrits et les cris des organisations de défense des droits de l’homme en général et ceux des réfugiés en particulier, ni Filippo Grandi lui-même, ni ses représentants régionaux, personne n’a fait aucune réaction. Même lors de sa sortie médiatique le 27 Avril 2021, Filippo Grandi a dit qu’il va s’entretenir avec les autorités burundaises sur le suivi des anciens réfugiés « Nous avons un dialogue constructif avec le nouveau gouvernement et on va continuer à souligner l’importance de bien gérer les retours pour que ces gens se sentent et soient en sécurité. Je vais aussi souligner l’importance de notre propre présence dans les zones de retour pour faire un suivi correct des retours » Cela montre bien que le HCR est beaucoup plus préoccupé par le retour des réfugiés comme le désire d’ailleurs le pouvoir d’Evariste Ndayishimiye, sans se soucier des conditions de sécurité dans lesquelles se retrouvent les réfugiés une fois rentrés de force. Même ceux qui rentrent volontiers en provenance du Rwanda sont surveillés chez eux de près par la milice imbonerakure. Une personne a déjà été tuée, d’autres arrêtées. Le Chef du HCR ne pense même pas que certains réfugiés rentent sans être rassurés sur leur sécurité au Burundi uniquement parce qu’ils craignent de mourir de faim après la réduction de 60% de la ration leur destinée. Pris de désespoir, certains n’ont pas hésité même de dire que le HCR l’a fait exprès pour soutenir le gouvernement burundais dans sa politique de rapatrier de force tous les réfugiés ; une façon de montrer à la communauté internationale que tout va bien au pays, alors que les gens ne cessent de mourir, des cadavres sont retrouvés quotidiennement dans les rivières et les rues, des gens sont souvent enlevés et tués par le SNR et la milice imbonerakure.
Pouvons-nous alors dire que le HCR soutient ce gouvernement dans ces graves violations des droits des réfugiés ? D’une part, on peut dire oui, ou il est complice car il ne réagit jamais aux cris d’alerte des organisations de défense des droits des réfugiés, alors qu’il en est l’organe onusien en charge. D’autre part, on peut imaginer que le HCR laisse les réfugiés rentrés dans un pays où l’insécurité et les violations des droits de l’homme continuent sachant que demain, ils vont encore une fois fuir quand la situation aura explosé. Et de cette façon, son personnel ne manquera jamais d’emploi.
De toute les façons, les gens ont le droit d’interpréter cette situation comme ils veulent car il est incompréhensible que le HCR en charge des réfugiés ferme les yeux devant les exactions faites à ces derniers par certains gouvernements comme celui du Burundi et de la Tanzanie. Il devrait normalement leur appeler à l’ordre, ou bien encore, chercher à les relocaliser dans des pays qui ont encore le sens du respect des droits de l’homme et ceux des réfugiés. Se taire devant une telle situation semble signifier être complice avec ces pays.
URN HITAMWONEZA reste convaincu que bien que le HCR ne veuille pas les dénoncer, les gouvernements du Burundi et de la Tanzanie seront responsables des violations des droits des réfugiés burundais (comme le souligne bien le rapport des experts des droits de l’homme des NU) et devront un jour en répondre devant des tribunaux habiletés. Des cas de tueries, de tortures, de disparitions forcées, d’emprisonnements arbitraires et de rapatriements forcés ont été régulièrement documentés ; ils seront mis au grand jour le moment venu. Filippo Grandi, comme représentant du HCR au moment des faits, sera aussi interpellé pour expliquer son inaction et son silence devant des violations graves et fragrantes des droits des gens sous sa responsabilité.