Burundi: Quand et comment le Burundi serait-il doté d’une armée et d’une police réellement nationales? (cinquième partie)
Nous parlions hier des tueries de 1993 que certains appellent massacres, d’autres génocide des tutsis. Contrairement aux autres massacres qui se sont déroulés dans notre pays, une commission des Nations Unies a fait une enquête sur le cas de 1993 et a écrit un rapport S/1996/682 du 22 Aout 1996 où elle affirme que les massacres des tutsis de 1993 sont qualifiés de génocide des tutsis par les hutus du Frodebu. Malheureusement, les génocidaires n’ont pas été punis ; quelques personnes ont été emprisonnées, mais, comme pour le cas de l’assassinat du président Melchior Ndadaye, les planificateurs n’ont pas été punis, ils ne s’inquiètent pas jusqu’aujourd’hui. C’est la culture de l’impunité qui a fait que le Burundi demeure dans les cycles de violence sans fin.
Parmi ceux qui ont planifié et exécuté ce génocide des tutsis, certains sont restés au pays, d’autres qui ont eu peur se sont exilés au Rwanda, en Tanzanie, en Rd congo et dans d’autres pays. Ils sont revenus avec la rébellion naissante en 1994 pour combattre au sein des FDD (forces pour la défense de la démocratie). Ceux qui étaient au Rwanda auraient même donné un coup de main aux interhamwe dans le génocide des tutsis rwandais en 1994 et sont retournés au Burundi après l’action. Les Rwandais les recherchent encore.
Les forces armées burundaises ont fait beaucoup de recrutements pour avoir un nombre suffisant pour combattre la rébellion qui ne faisait que tuer les tutsis rescapés du génocide de 1993, au lieu de s’attaquer aux positions militaires. Ils multipliaient les attaques sur les civils innocents sans défense, les camps de déplacés, les écoles, multipliaient des embuscades sur les itinéraires, juste pour montrer que le gouvernement n’était pas capable de protéger son peuple.
Après la mort de Melchior Ndadaye, de Cyprien Ntaryamira qui l’a succédé, puis Sylvestre Ntibantunganya, aucun gouvernement n’est parvenu à maitriser rapidement cette rébellion naissante puisque tous ces présidents n’avaient pas confiance en leur armée et que la guerre s’avérait ethnique ; quelqu’un qui dirait que le président Ntibantunganya était complice des hutus qui étaient dans le maquis ne se serait pas trompé. Malgré tout cela, l’armée nationale a tenu bon ; la rébellion n’a jamais conquis aucun mètre carré du territoire, n’a jamais réussi à attaquer et déloger un camp militaire, même pas une brigade de policiers (qui n’avait pas plus de 30 personnes). Tout ceci grâce au professionnalisme de cette armée, une armée soudée, homogène, disciplinée, hiérarchisée, dont le commandement était assuré par des officiers formés, capables de prendre rapidement de bonnes décisions selon les circonstances.
Quant à la troupe, beaucoup de recrutements ont été faits, certaines formations ont été faites à la hâte car ils avaient besoins de beaucoup d’hommes à déployer sur le terrain au fur et à mesure que la rébellion faisait des tueries dans beaucoup de localités du pays. Beaucoup de hutus ont alors été recrutés au sein de cette armée, même si d’autres intégraient les différentes rebellions (les plus connues étaient le cnddfdd et les fnl).
Avec la signature des Accords d’Arusha, les différentes fractions rebelles ont accepté de signer les accords de cessez le feu un à un, le dernier étant les fnl d’Agathon Rwasa, deux ans après le cnddfdd qui a signé en novembre 2003. Il fallait alors intégrer tous ces éléments au sein des forces de défense et de sécurité en respectant les quotas convenus dans les accords d’Arusha.
Au regard du principe ‘’ beaucoup d’hommes, beaucoup d’armes, beaucoup de places’’ au sein de la nouvelle force qui allait être formée, le cnddfdd était considéré comme le principal mouvement qui a fait entrer beaucoup d’hommes et dans toutes les catégories. Il faut noter que ce mouvement a toujours triché, jusque même dans les élections. En effet, il a constaté qu’il n’avait pas assez d’hommes valides à présenter et a procédé au recrutement dans les provinces de Muramvya,kayanza, Ngozi, Kirundo et Muyinga. Ces jeunes ont subi une formation accélérée dans la Kibira et ont été intégrés dans la nouvelle force. Il faut aussi noter que même les vieilles mamans qui préparaient de la nourriture aux combattants ont été présentées à la démobilisation pour revoir de l’argent du programme.
Au total, 07 PMPA (Partis et Mouvements politiques armés), ont participé dans le programme d’intégration- démobilisation ; le cnddfdd ayant obtenu la grande part pour avoir présenté beaucoup d’hommes et beaucoup d’armes. La grande erreur commise par les fnl d’Agathon Rwasa est d’avoir tardé à mettre en application les accords de cessez –le- feu. C’est pourquoi il n’a pas pu bénéficier de beaucoup d’avantages de ce programme. Mais aussi, il a reçu peu de places par rapport au cnddfdd.
Un autre fait marquant qui est toujours à la base de pas mal de conflits entre le cnddfdd et fnl est que les deux mouvements se sont toujours affrontés lors de leurs maquis car se disputaient souvent le terrain. Quelquefois, ils se rentraient dedans et c’est les forces armées burundaises qui les séparaient en y ajoutant du feu. C’était la stratégie la plus efficace de les séparer, en profiter pour les affaiblir tous. Cette haine viscérale est restée jusqu’aujourd’hui.
Apres les accords global de cessez le feu, les anciennes forces armées ont été trop naïfs, croyant que tous les anciens groupes armés étaient animés d’une bonne foi et d’une volonté de construire un pays longtemps déchiré par une guerre fratricide. Pourtant, le cnddfdd semblait avoir un autre agenda caché. Il eut à Bururi, juste après intégration, une formation d’harmonisation entre les combattants issus du cnddfdd et les militaires de l’ancienne armée. Les éléments qui y ont été envoyés étaient considérés, d’après les combattants cnddfdd, comme des cobayes, des gens abandonnés car ils croyaient qu’ils allaient mourir. Premier signe de manque de confiance. Il se disait aussi que ce mouvement avait laissé des combattants en Rdcongo ( kiliba ondes), juste pour intervenir si l’intégration arrivait à déraper. Un signe de prudence diraient certains.
Au cours de l’année 2004, les nouvelles forces de défense et de sécurité étaient composées d’un mélange hétérogène d’hommes et de femmes de tous les horizons, les uns formés et d’autres qui ne savaient ni lire ni écrire. Dans le cadre du respect des accords d’Arusha, certains membres des ex-PMAP se voyaient propulsés chefs sans savoir quoi faire, les uns ne savaient même pas lire et écrire le français ; des gens qui ont été promus pour leurs mérites exceptionnels au combat. Un autre vis très important à souligner est que les hutus qui étaient dans l’ancienne armée n’étaient pas considérés, par les hutus issus des ex pmpa comme des hutus comme eux ; ils les assimilaient aux tutsis, les autres les prenaient comme des traitres. Pourtant les accords d’arusha parlaient des équilibres ethniques. Noter aussi, et c’est très important, que presque zéros tutsis faisaient partie de ces PMPA et il n’y a jamais eu, après la guerre, d’échange de prisonniers de guerre. Ce qui est anormal et qui signifie que la guerre a été très sale, menée en violation flagrante du Droit international Humanitaire et du droit de la guerre. Quelques prisonniers des fnl détenus à la Documentation Nationale ont été libérés et remis au mouvement, les fnl ont à leur tour libéré, en présence du CICR, quelques personnes civiles retenues dans la rukoko.
URN HITAMWONEZA trouve que le combat mené par les PMPA était total et ethnique ; les cibles privilégiées étaient les tutsis. Même ceux qui ont intégré ou tenté d’intégrer les groupes ont été tués. Ceci démontre à suffisance que le projet de génocide n’a jamais quitté les esprits des extrémistes hutus malgré les accords d’Arusha.
Nous montrerons demain comment le cnddfdd a progressivement violé les accords d’Arusha en rompant les équilibres au sein des corps de défense et de sécurité ; nous vous démonterons leur composition et fonctionnement actuels.